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Dériver des cartes : Plaidoyer pour l'art de se perdre en milieu numérique
Margot Capello,
ESAD Orléans, 2025
Et si se perdre redevenait un geste de liberté ? À l’heure où nos déplacements sont dictés par les injonctions silencieuses du GPS et les tracés invisibles des algorithmes, ce mémoire propose de repenser notre rapport à la carte et au territoire, de réhabiliter l’errance comme geste critique, et la cartographie comme espace d’émancipation. Entre fiction, résistance et dérive, il s’attache à démontrer comment la cartographie, loin d’être un simple outil de mesure, est un médium critique, chargé de récits, de choix idéologiques, de silences construits. Derrière chaque ligne tracée, une vision du monde se dessine souvent hégémonique, parfois contestée. En explorant les pratiques de contre-cartographie, de cartographie radicale ou participative, ce mémoire met en avant des exemples de résistances graphiques, de géographies invisibilisées, de territoires réappropriés par celles et ceux qui y vivent. Mais aujourd’hui, les cartes ne sont plus des objets fixes que l’on replie dans une poche. Elles sont devenues interactives, mouvantes, intégrées à nos appareils et à nos gestes quotidiens. L’essor du GPS, des SIG et des plateformes comme Google Maps transforme profondément notre rapport à l’espace. Ce que nous gagnons en efficacité recompose nos formes d’attention, de mémoire et d’autonomie. Appuyé sur la notion de technogenèse, ce mémoire montre comment nos modes de pensée coévoluent avec les technologies qui nous orientent jusqu’à déléguer à des systèmes invisibles notre capacité même à nous situer. Mais ce glissement vers une cartographie automatisée soulève une question : que devient notre rapport à l’espace quand chaque mouvement peut être tracé, chaque position calculée ? À mesure que les cartes se font intelligentes, elles observent autant qu’elles orientent. Ce regard cartographique, loin d’être neutre, participe à une logique de surveillance diffuse, où l’on est rendu visible en continu, assigné à une localisation permanente. La carte agit alors comme un dispositif panoptique silencieux. Dériver des cartes, c’est alors revendiquer un droit au flou, à la lenteur, à la disparition partielle. C’est chercher des formes de narration spatiale alternatives, sensibles, collectives, dessinées à main levée ou se réapproprier les outils numériques de manière à porter des voix minorées, à rendre au territoire sa texture et ses aspérités. Ce mémoire esquisse ainsi un plaidoyer pour une géographie indocile, où la carte devient outil de poésie autant que de résistance.
margotcapello@gmail.com