Entretien avec Pauline Duret à propos de son mémoire Construire avec le graphisme. La mise en fête d'un espace, l'exemple des Jeux Olympiques de Los Angeles 1984
Quel est le sujet de ton mémoire ?
Dans mon mémoire, je me suis intéressée au design graphiques environnemental dans des contextes événementiels, plus particulièrement liés à la fête. J'ai cherché à questionner le rôle du graphisme dans l'espace urbain et me suis demandée comment, pour exister dans l'espace, la fête se forme, se crée, et avec quels moyens ? C'est en observant des projets aux origines diverses menées par des graphistes, des designers, des architectes et des artistes que ma réflexion a évolué au fil du mémoire. Parmi les différents projets, je me suis particulièrement intéressée à la notion de construction, en me demandant s'il était possible de construire avec le graphisme.

Comment ton intérêt s'est-il porté sur ce sujet ?
C'est la découverte du projet de design environnemental des Jeux Olympiques de Los Angeles 1984 mené par la graphiste Déborah Sussman et l'architecte Jon Jerde qui m'a guidé. Le dispositif qu'ils ont conçu est à la fois architectural et graphique. Déployées dans tout Los Angeles à l'occasion des jeux, des structures signalent la présence de l'événement et s'emploient à envehir la ville et à représenter la fête. Dans ce projet, le graphisme s'érige avec force. sa découverte a été décisive pour moi dans l'élaboration de mon sujet de recherche, car c'est, à mon sens, un projet exemplaire en la matière. Il agit d'ailleurs comme un fil rouge tout le long du mémoire, et me permet de tirer des fils et d'amener d'autres références. Une grande partie de celles-ci se situe en Californie, de 1950 à 1970 puis se détache de cette période pour regarder des projets contemporains. Le contexte de paysage américain de l'époque, théorisé par les Venturi dans Learning from Las Vegas m'explique en partie l'intérêt de ces designers pour le graphisme dans l'espace urbain et le graphisme construit. Je découvre l'influence importante des cultures traditionnelles et du folklore sur ces designers. J'observe donc des célébrations traditionnelles et religieuses en Inde, au Japon ou encore au Mexique. J'établis des rapprochements entre toutes ces célébrations et les objets qui sont créés à ces occasions. Grâce au designer italien Ettore Sottsass, je comprend que ces objets sont centraux dans les événements festifs et qu'à travers eux se développent toute une gestuelles et une tradition.

Peux-tu nous parler de ta méthodologie de recherche ? (pratique de terrain, réalisation d'entretiens, collecte, objets observés… etc)
Une première partie de la recherche concerne les projets de signalétiques et d'identité des différents Jeux Olympiques. Dans ce cadre, le site web de la bibliothèque Olympique a été une source importante de découverte, car de nombreux rapports officiels y sont consultables en ligne. Je me suis également rendue au centre d'études Olympiques à Lausanne afin de consulter des livres sur ce sujet. Le reste de mes recherches s'est fait grâce à Internet pour plusieurs raisons : une partie de ce travail a été effectué au plus fort de la pandémie de Covid 19 d'une part, d'autre part, j'observais des projetts anciens réalisés à l'étranger. Néanmoins, les sites officiels des artistes et graphistes comme le Corita Kent Center ou le site du bureau Eames m'ont permis d'accumuler et de manier un grand nombre d'images d'archives de projets, dont beaucoup de photographies. j'ai aussi parcourue les archives en ligne de revues d'architecture de l'époque pour y découvrir des projets.
Dans tout le processus de ce travail, le temps de recherche a été très important pour moi. J'ai passé des heures à chercher et à collecter des images de certains projets, à lire des rapports olympiques, regarder des vidéos d'archives, etc. La visite du centre d'études Olympiques à Lausanne était important dans le processus, j'ai découvert beaucoup de documents inédits et d'être dans le réel. Dans un premier temps, je me suis totalement immergée dans les jeux de Los Angeles 84. Rapports officiels, documents de communications, archives du travail de Deborah Sussman, interview, photographies, témoignages de spectateurs, tout ce qui pouvait me permettre de comprendre le projet, le contexte polytique, l'opinion publique, etc. Ensuite j'ai élargi ma recherche aux autres Jeux Olympiques. Et de fils en aiguilles d'autres projets sont apparus. J'ai constitué un corpus d'images sur lequel je me suis énormément appuyée pour formuler mon propos et commencer l'écriture.

Est-ce-que ton processus de recherche s’est traduit dans la conception graphique de ton mémoire ?
La place importante de l'image résultant de ma recherche a forcément eu un impact sur la mise en page de l'objet. j'ai intégré beaucoup d'images en double page, avec la vlonté que le lecteur puisse confortablement prendre le temps de les observer. Je voulais qu'elles soient mises en valeu, car elles sont aussi importantes que l'écrit dans le mémoire et elles constituent une grande partie de ma recherche. La difficulté de mon sujet est la dimension souvent monumentale des projets observés : menés à très grande échelle et parfois même éphémères, l'intérêt de ces projets était aussi leur dimension festive. L'enjeu était de savoir comment retranscrire cet aspect momentané, comment les montrer et comment les appréhender. Mais je crois que les images parlent d'elles-mêmes et qu'elles mettent bien en lumière tout cela. J'ai donc choisi de commencer le mémoire par une série d'images des Jeux Olympiques de Los Angeles. Ces photos plongent directement le lecteur dans le vif du sujet : un projet de design graphique dans l'espace, qui contribue à la construction d'une grande fête à l'échelle de la ville. C'est aussi lié à un choix d'écriture, je souhaitais écrire ce mémoire comme on raconte une histoire. J'ai fini par accumuler une bonne connaissance du projet de Los Angeles 84 dans son ensemble et il me paraissait important de retranscrire celle-ci.

Quel influence ton mémoire a-t-il eu sur ton projet de diplôme ?
Mon diplôme est complètement lié à mon mémoire. J'ai d'abord été confrontée une nouvelle fois aux difficultés liées à l'envergure des projets observés. Finalement, j'ai réussi à développer un projet à grande échelle et éphémère, dans la mesure du possible. Il s'agissait d'une exposition éphémère sur la plage d'une station balnéaire créee dans les années 1960 au sein de la mission racine. Son but était de montrer la richesse et l'audace des projets de design, de graphisme et d'art dont elle fut le théâtre à son ouverture dans les années 1970. Concrètement, mon diplôme était constitué de plusieurs grands panneaux de bois découpés et peints, leurs formes s'inspiraient des images d'archives de la station dans les années 1970. Cette série de panneaux était complétée par des affiches et des cartes postales, le tout constituait une exposition éphémère et estivale dans toute la station. Tout ce travail se basait sur les archives collectées pendant une phase de recherche préalable.

Poursuis-tu encore un travail de recherche ?
J'ai beaucoup apprécié le travail de recherche et j'ai souhaité poursuivre après l'obtention de mon diplôme. J'ai eu l'opportunité d'assister mes anciens professeurs dans un atelier de recherche où je poursuis cette pratique. Actuellement ce n'est plus le cas et je mène mon activité de graphiste indépendante, mais je n'exclu pas un retour à la recherche.
Peux-tu définir l’impact de ton mémoire sur ta pratique graphique aujourd’hui ?
Depuis le début de mes études en graphisme, j'ai développé une méthodologie de projet dont la recherche était la première phase. Cela me permettait d'entrer dans le projet et de bien comprendre les enjeux. l'écriture du mémoire n'a fait que confirmer mon attrait pour cette pratique. Pour ce qui est de mon sujet, j'aimerais avoir plus d'occasions de réaliser des projets dans l'espace tels que j'en ai observé pendant ma recherche, comme j'ai pu l'expérimenter lors du diplôme...