LA TRIBUNE

Entretien avec Louise Windenberger à propos de son mémoire A Lot or Not : faut-il le nombre pour rendre visible ?

05.03.25

Diplomé.e ISBA Besançon, promotion 2024

Quel est le sujet de ton mémoire ?

Dans mon mémoire, je m’interroge sur les manières de rendre visible et mettre en avant une idée ou un propos. J’ai utilisé la collection comme base pour sélectionner des artistes et des graphistes qui l’utilisent dans leur travail afin de faire dire autre chose à des objets ou des images. Ils leur servent parfois à mettre en lumière une situation qui les touche, à comparer des données en faisant une étude de terrain et certains créent même parfois ce qu’on pourrait appeler des collections sans en avoir eu l’intention.

Poteau 5G déguisé en palmier afin de passer inaperçu dans le paysage - Fauxliage : Disguided Cell Towers of the American West (2021) - Annette LeMay Burke

Comment ton intérêt s'est-il porté sur ce sujet  ?

Je me suis rendue compte il y a quelques années que j’étais entourée de collectionneurs. C’est une pratique que je connaissais, mais à laquelle je ne m’étais jamais vraiment intéressée car j’avais du mal à imaginer détourner lesdits objets de leur fonction première pour leur donner une valeur autant marchande que sentimentale. J’ai alors eu envie de me renseigner sur ce sujet et de découvrir les motivations qui poussaient les collectionneurs à créer une vraie relation avec leurs objets, à vouloir les protéger au mieux pour garder leur état d’origine, à les exposer, etc. En considérant que certains collectionneurs possèdent une grande quantité d’objets autour de leurs centres d’intérêts, ma réflexion a continué vers la notion de nombre et en quoi celui-ci peut-il devenir un outil essentiel dans la mise en valeur d’une idée et constituer un corps solide pour y ajouter du poids.

Collection de cartes Pokémon ayant servi de complément d'interview pour l'un des objets de mon DNA - @suninsinnoh

Peux-tu nous parler de ta méthodologie de recherche ? (pratique de terrain, réalisation d'entretiens, collecte, objets observés… etc)

Sans le savoir à ce moment-là, la case départ de mes recherches a été de faire un pas vers les collectionneurs de mon entourage lors de mon projet de DNA, un peu plus d’un an avant de vraiment me lancer dans l’écriture du mémoire. J’avais pu réaliser 5 interviews, dont 3 qui ont résonné avec certaines de mes recherches et qui ont donc eu leur place dans l’édition finale. À partir de là, j’ai élargi mes recherches à l’histoire de la collection et aux pathologies qui peuvent en découler (comme le syndrome de Diogène qui pousse à vouloir tout conserver sans distinction) pour rediriger ma réflexion autour du monde de l’art, et ensuite m’intéresser plutôt au design et au graphisme. Étant éloignée du monde de la collection (beaucoup moins depuis ce projet), j’ai écrit en me plaçant comme observatrice ou journaliste et en m’intéressant aux faits, aux observations pouvant être faites sur cette pratique et sur les œuvres qui en découlent.

Double page issue de mon mémoire concernant la valeur des objets de collection.

Est-ce-que ton processus de recherche s’est traduit dans la conception graphique de ton mémoire ?

Mes recherches étant dirigées autour du principe de collection, j’ai pu remplir mon ordinateur de dossiers regroupant des tonnes d’images, de prises de vues et de scans de travaux d’artistes ou de graphistes dont le travail a touché à ce domaine. Ça a été une évidence que tout ce contenu devrait apparaître dans les pages de mon mémoire et surtout qu’il fallait que je lui donne une place qui lui est propre. La mise en page de mon mémoire s’est un peu construite sous forme de couches ou de rangement en catégories. J’ai voulu qu’on puisse différencier les différents contenus présents dans l’édition autant par leur esthétique que par la taille de leurs formats : ce qui a créé un mémoire divisé en 3 (mes recherches sous forme d’étude de cas, les entretiens avec les collectionneurs et l’iconographie des œuvres).

Double page issue de mon mémoire avec un extrait d'interview de Jérôme Wieder autour de sa collection d'objets faisant office de marqueurs de souvenirs.

Quel influence ton mémoire a-t-il eu sur ton projet de diplôme ?

Étonnamment, et contrairement à ce que je m’étais imaginée pendant l’écriture de mon mémoire, ce n’est pas la collection en elle-même qui est devenue mon projet, mais plutôt la notion de nombre que j’évoquais tout à l’heure. Le nombre et la quantité ont un impact, autant au niveau des objets qu’au niveau des représentations ou des discours. C’est le nombre qui a guidé mes recherches vers les humains et plus particulièrement vers la foule ; la manière dont on s’adresse à elle et celle avec laquelle elle s’exprime.

Pancarte de fan lors d'un concert.

Poursuis-tu encore un travail de recherche ?

Pour moi, la recherche a été un moyen de me pousser à élargir mon point de vue sur un sujet et ça a été sympa, même si je ne pense pas retenter l’expérience. Ce qui me plait dans ma pratique du graphisme c’est d’avoir des cloisons ou des règles qui me challengent et me permettent de ne pas trop m’éparpiller en créant et ça a été assez difficile pour moi de le faire en écrivant… Depuis, je me suis lancée dans le graphisme freelance et j’y consacre la majorité de mon temps !

Peux-tu définir l’impact de ton mémoire sur ta pratique graphique aujourd’hui ?

J’ai toujours eu une préférence pour la mise en page, mais je pense que le mémoire m’a conforté dans l’idée que j’aime presque autant expérimenter et travailler sur l’image. D’habitude je préfère travailler à partir d’un contenu qui n’est pas le mien et glaner, détourner, déformer pour en faire sortir de nouvelles choses. Mon projet de diplôme et donc forcément mon mémoire, m’ont pourtant donné envie d’essayer de créer ma propre iconographie et de faire beaucoup de choses à la main donc d’une certaine manière ça a changé mon approche du graphisme !

Panneau en bois avec un slogan de manifestation basé sur l'esthétique des noms d'attractions de fêtes foraines - issu de mon diplôme.