LA TRIBUNE

Port Leucate, l’utopie comme héritage

Pauline Duret

21.08.24

isdaT Toulouse, DNSEP Design graphique, 2021

© Franck Alix

J’ai commencé à me documenter sur la Mission Racine et l’histoire de l’aménagement du littoral du Languedoc dès ma deuxième année à l’isdaT. Au fil de plusieurs projets, j’ai collecté de nombreux documents d’archives qui m’ont plongé dans ce projet pharaonique et fascinant. Construire, parfois à partir de rien, des villages entiers destiné aux loisirs. C’est le cas de la station balnéaire de Port Leucate dont je suis originaire, qui fut construite sur une zone marécageuse encore déserte en 1960. J’ai commencé par découvrir le projet d’un point de vue architectural avec les nombreux témoignages de Georges Candilis, l’architecte de Port Leucate/Barcarès. Grâce aux photographies des années 70, j’ai découvert la richesse et l’audace des projets de design, de graphisme et d’art dont elle fut le théâtre à son ouverture. Supergraphics sur le centre commercial et sur les hangars à bateau, arrêt de bus créé par l’artiste Jacques Tissinier, modules futuristes de camping nommé Hexacubes… Du mobilier urbain à celui des résidences de vacances, tout à Port Leucate s’inscrit dans l’idée du design et de l’art comme un bien commun.

Lorsque je regardais les photos de ces projets, j’étais fascinée, mais une frustration apparaissait instantanément, celle de ne jamais pouvoir vivre l’expérience de ses objets dans l’espace. Puisque la photographie ne suffisait pas à contenter mon besoin de voir et de vivre ces formes, j’ai voulu les réactiver et me suis demandé comment les exposer. Comment créer une exposition en tant que graphiste ? En voyant l’exposition comme une expérience plus globale ou le corps se confronte aux formes et en fait l’expérience, j’ai recréé ces formes, les aient déplacer, recontextualisé, et modifié pour jouer avec. Ré-exposer les formes architecturales, de design et de design graphique disparues était mon objectif avec ce projet. Faire revivre l’expérience de ses formes, mais aussi l’esprit d’une époque et d’un espace si particulier.

L’exposition se passe sur la zone au milieu de la bande de plage afin de replacer le vacancier dans le contexte des débuts de la station et d’un environnement quasi-vide. L’aspect désertique qu’évoque cette zone me rappelle les photos d’archives au tout début de Port Leucate, lorsque les premiers touristes logeaient dans des hexacubes posé au milieu de nulle part, lorsqu’il n’y avait qu’un immeuble et un centre commercial sur une étendue de sable. Quelles étaient les sensations de ces premiers vacanciers lorsqu’ils vivaient dans ce milieu de nulle part ? Notamment les habitants des hexacubes, ces microarchitectures, des objets de designs futuristes, confrontés à cet espace désertique. Que produit la rencontre du design avec le grand rien ?

Concrètement, mon diplôme était constitué de plusieurs grands panneaux de bois découpés et peints, dont les formes s’inspiraient des images d’archives de la station dans les années 1970. C’était un échantillon à l’échelle un du système d’exposition proposé. Dans mon idée, ces panneaux formaient une installation dispersée sur la longueur de la plage en plusieurs points. Ces installations de panneaux étaient complétées par des affiches et des cartes postales placées dans la ville pour signaler la présence de l’exposition et créer un parcours qui racontait l’histoire de la station. Le tout constituait une exposition éphémère et estivale dans toute la station. Tout ce travail se basait sur les archives collectées pendant une phase de recherche préalable.

Pour moi, l’enjeu de cette exposition était de proposer une manière d’exposer autrement. J’ai voulu explorer les possibilités pour montrer l’architecture, le design ou le graphisme en tant que graphiste. Les objets exposés étaient à la fois œuvres et supports. Je voulais me confronter à la notion de graphisme dans l’espace qui était au cœur de mon mémoire. D’ailleurs, ce projet est étroitement lié à la recherche que j’ai menée pour l’écriture du mémoire et aux questions soulevées dans celui-ci. Je suis heureuse de constater qu’avec plusieurs années de recul maintenant j’ai toujours beaucoup d’intérêt pour toutes ces questions et que ce travail alimente encore ma pratique.

© Franck Alix
© Franck Alix
© Franck Alix
© Franck Alix
© Franck Alix