Une histoire de la domestication du paysage alpin et de la réification de la montagne
Louise Peredes Fantozzi

Longtemps perçue comme un lieu dangereux et mystérieux, la montagne est à la fois un espace sacré et le domaine des dieux redoutés des Hommes. Avec le temps, l’image de danger qui lui est associée se transforme et tend vers le sublime, devenant ainsi un moteur à l’imagination poétique. Le changement de perception de ces « imperfections de la figure du globe » est principalement enclenché par le roman de Rousseau, La Nouvelle Héloïse, en 1761.
Aujourd’hui, objet de fantasmes, la montagne est devenue un sujet en soi, détachée et isolée du paysage qui l’entoure.
Le Mont Cervin, rendu célèbre par la tragique histoire de son ascension en 1865, est considéré comme l’un des derniers grands problèmes des Alpes. Mythique par sa forme jugée exemplaire, le Cervin est la montagne la plus photographiée des Alpes depuis sa première photographie en 1849. Présent sur toutes sortes d’objets de consommation, en guise d’illustration ou bien sous forme de logotype (ex. Toblerone), le Mont Cervin s’est retrouvé isolé de son panorama d’origine, devenant ainsi une « montagne image » et un emblème helvétique exporté à travers le monde.
Ce projet dessine une histoire de la domestication du paysage alpin et de la réification de la montagne à travers trois perspectives. Il adopte d’abord un regard littéraire, dressant un panorama descriptif de l’évolution de la représentation alpine dans des œuvres francophones du XVIIIe au XIXe siècle. Puis, il se penche sur le point de vue des initiés et de ceux qui pratiquent ces espaces, à travers la collecte de trente années de photographies publiées dans la revue spécialisée La Montagne et Alpinisme, éditée depuis 1905 par le C.A.F. Enfin, il adopte un regard populaire, en analysant le Mont Cervin, de sa réification à la diffusion de son image, en lien avec son histoire.




