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memo! au MO.CO.ESBA

Matérialiser l'intangible

Adrien Bisecco

ESAD Orléans

2022

Dans mon mémoire, j’essaye de faire un tour d’horizon des liens qui existent entres les artistes et les scientifiques. À partir de cet état des lieux, j’essaye de tisser des liens entre ces pratiques et notre perception ainsi que du potentiel de création sur les nouveaux médias numériques en prenant l’exemple de la réalité augmentée. Ma réflexion s’est ouverte sur les questions posées par les artistes et designers dont la pratique porte sur des enjeux de spéculations et de fictions. Cet intérêt faisait suite à mon DNA dans lequel je m’étais intéressé au rôle de la science (en particulier la physique et l’astronomie) dans la création artistique. Après avoir lu La vie de laboratoire de Bruno Latour et Steeve Woolgar, je me suis intéressé à la dimension anthropologique de la science et donc la façon dont le savoir est crée aujourd’hui. L’écriture de ce mémoire est le reflet de mes recherches, de mes interrogations et des pistes artistiques qui m’ont servies pour créer des images et des expériences. J’ai surtout observé des humains et lu de la littérature de recherche associée à mes pistes créatives. Lors de l’écriture de mon mémoire, je me suis déplacé sur le terrain dans un laboratoire de géologie (observatoire des sciences de l’univers à Orléans-la-Source). La géologue avec laquelle j’ai collaboré m’a montré un petit échantillon de basalte (du magma refroidi). Je ne le savais pas encore, mais cet échantillon allait marquer mes créations graphiques, mais aussi mon mémoire. Je suis aussi allé voir le travail de certains artistes dont les pratiques et surtout la méthodologie de recherches et de création m’ont marqué et inspiré. Je pense notamment au travail d’Élise Morin qui travaille sur la radioactivité, elle a travaillé avec un laboratoire et a restitué ces étapes de recherches sous forme de photographies, d’installations en réalité augmentées. Sa méthodologie de travail m’a beaucoup inspiré dans toutes les étapes de ma recherche et de production artistique. Enfin, j’ai lu des ouvrages que mes tuteurs m’ont conseillés ainsi que des articles de recherches en design et en sciences humaines. Mon mémoire prend la forme d’un cahier relié avec une spirale jaune dont la couverture est imprimée au laser sur papier noir. Cette technique simple permet de créer un effet de brillance semblable à de la sérigraphie. À l’intérieur, les différents chapitres du mémoire sont séparés par des titrages imprimés sur du papier calque jaune en rappel à la reliure. Ce papier permet de créer du rythme dans la lecture et de voir apparaître la suite du chapitre en transparence. La reliure en spirale permet une liberté sur les formats de papiers, pour l’entretien que j’ai mené avec la géologue, j’ai donc choisi de changer le format de papier pour imprimer notre échange sur une bande de calque jaune et de les superposer sur une série de photographies que j’ai prise dans son laboratoire. La conception graphique de l’entretien que j’ai mené avec la géologue a beaucoup influencé sa forme graphique. Bien qu’invisible sur un document PDF, je perçois cette partie de mon mémoire comme une respiration. En effet, cet entretien prend la forme d’une série de photographies que j’ai prise lorsque Elena ( la géologue que j’ai suivie ) était en séance de manipulation. Je me suis concentré sur le travail manuel et je me suis rendu compte que ces photos étaient complémentaires de son propos lors de nos entretiens. Les images sont donc entrecoupées de papiers calques jaunes d’un format plus petit sur la largeur. On peut donc lire sur du calque et observer les images en même temps sans que la lecture ne soit gênée par la transparence. Ce choix de format faisait écho aux notes supplémentaires qu’Elena ajoutait sur des post-it sur les pages de son carnet de paillasse. Dans La vie de laboratoire Bruno Latour nous parle du carnet de paillasse, de son importance en tant qu’étape pour la fabrication d’une publication scientifique. Lorsque je me suis déplacé dans le laboratoire de géologie ces carnets, était toujours bien présent. Je m’en suis inspiré pour la reliure en spirale, le jaune me permettait de créer un contraste fort avec la couverture noir et surtout cela me rappelais les couleurs des fils électriques qui dépassais des machine utilisée dans le labo. Le papier calque était une façon pour moi de représenter ce voile flou que l’on traverse lorsqu’on fait une découverte scientifique, mais aussi de réaliser un travail de couleurs qui rythme la lecture et joue sur des effets de transparences et de flou. De même pour la couverture dont j’ai volontairement voulu que le titre soit à peine perceptible, il faut en fait saisir l’objet et saisir l’angle qui réfléchira correctement la lumière pour faire apparaître le titre. Ce choix faisait écho à la réalité augmentée dont il faut parfois ruser pour faire apparaître une image à partir d’une cible. Le mémoire a été à la fois un socle théorique, mais aussi un espace dans lequel je me suis permis de faire des hypothèses artistiques. Je me suis appuyé sur ces réflexions hypothétiques pour construire une narration et des projets qui reposent sur les données scientifiques récoltées dans le laboratoire. Je pense que la création de ce livre m’a permis d’être davantage attentif, rigoureux et autonome sur l’ensemble des étapes de création éditoriale. J’ai vécu l’écriture et la réalisation de l’objet comme un moment de grande liberté et d’expérimentation qui me manque maintenant que je ne suis plus étudiant, mais cette expérience m’a permis d’avoir une meilleure aisance technique et une meilleure connaissance des pièges de l’édition. Désormais, je poursuis davantage un parcours artistique en tant qu’artiste-auteur indépendant. Ce parcours prend du temps, notamment pour décrocher des projets qui permettent de continuer la recherche et d’en vivre. Mes projets de recherches sont actuellement en pause, même si je continue de m’intéresser à l’actualité de mon domaine.

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