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memo! au MO.CO.ESBA

Le Syllabaire autochtone canadien, un outil de (ré)appropriation culturelle

Lia Porquet

ESAD Pyrénées / Pau

2022

Mon mémoire a pour sujet le Syllabaire autochtone canadien, qui est un système d’écriture qui permet de transcrire certaines langues autochtones du Canada. Mon intérêt sur ce sujet est né durant mes précédentes études. Lors d’un projet, je m’étais intéressée aux langues autochtones et plus précisément à celles présentes au Canada. C’est en faisant mes recherches sur ces différentes langues que j’ai pu découvrir que certaines d’entre elles utilisaient ce système d’écriture. Trouvant les signes du syllabaire très intrigants et étonnant, je me suis toujours dit que si j’étais amené à faire des études supérieures, ça serait un sujet sur lequel j’aimerais bien travailler pour l’analyser et ainsi le découvrir plus en détail. Au cours de mes recherches, j’ai découvert que le Syllabaire autochtone canadien fut élaboré par les missionnaires religieux dans l’intention d’initier et de convertir les peuples autochtones à la religion, et ainsi à la politique et à la culture occidentale. Pour cela, ils se servaient des textes bibliques (livres de prières ou encore cantiques religieux) qu’ils traduisaient en langues autochtones par l’utilisation du Syllabaire. De ce fait, j’ai étudié une grande partie des livres de prières et cantiques, dans le but de comprendre mais aussi de retracer l’histoire de ce système d’écriture. Pour cela je me suis appuyée sur les archives numériques provenant principalement de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec qui m’ont permis de découvrir la diversité des formes de l’époque, à travers les premiers objets imprimés dans lequel il est apparu. Concernant l’écriture de mon mémoire, j’ai mis beaucoup de temps à savoir sous quel angle j’allais aborder ce sujet. Mais finalement, à force me documenter je me suis demandé quelle était réellement sa place aujourd’hui, au sein des peuples mais aussi au Canada. Les questions qui ont principalement rythmé mon écriture étaient : quel apport cette invention a-t-elle produit sur leur culture ? Dans quelle mesure ? Est-ce que le Syllabaire autochtone canadien est devenu un élément nécessaire quant à la construction identitaire des peuples ? Pour répondre à cela, j’ai tout d’abord mené un travail de recherche historique qui m’a permis de comprendre à la fois le fonctionnement de ce système d’écriture mais aussi et surtout le contexte dans lequel il est apparu. Ayant pris connaissance de tout cela, ça m’a permis de savoir quel été réellement sa place au sein du paysage canadien. En parallèle à cela, j’ai commencé ma collecte de documents d’archives. En ayant connaissance de toute l’histoire de ce système d’écriture, de nombreux questionnements me sont venus et m’ont amené à échanger avec Kevin King. Nous avons pu échanger sur sa pratique en tant que typographe mais aussi plus précisément sur son projet autour de l’ajout de nouvelles syllabes dans la norme Unicode (UCAS) du Syllabaire autochtone canadien. Concernant la conception éditoriale de mon mémoire, je voulais rester sur quelque chose d’assez simple, avec un format facile à prendre en main et de ce fait, fonctionnel dans l’expérience de lecture. L’édition a un format de 12x21,5 cm et est faite en reliure suisse. La couverture représente quelques-uns des signes présents dans le Syllabaire autochtone canadien, l’idée était de les mettre en avant pour visualiser des formes et annoncer ainsi visuellement le sujet. La couverture est imprimée en encre noire sur papier noir pour donner un effet de transparence et rappeler la superposition présente dans l’iconographie principale. L’ouvrage est bilingue français/anglais. Il était intéressant de réaliser une traduction anglaise de mon écrit vis-à-vis des langues parlées sur le territoire canadien. On retrouve la partie française matérialisée par un papier blanc tandis que celle de l’anglais par un papier gris. Concernant le cheminement de l’ouvrage, je trouvais intéressant de rentrer dans le sujet par des images qui puissent venir donner le ton du contenu qui se trouve à l’intérieur. Pour cela, j’ai choisi pour iconographie principale la série photographique « Signs of your Identity » réalisée par Daniella Zalcman. Ces images sont des portraits des survivants superposé avec les sites et les souvenirs de leurs expériences en pensionnat, comme une tentative de s’engager visuellement avec les impacts du génocide culturel et des traumatismes intergénérationnels. L’idée était de mettre mon écrit en résonance avec cette partie de l’histoire puisqu’elle représente bien le contexte de la colonisation mais aussi la question de l’identité culturelle dont parle aussi mon mémoire. Pour ce qui est de la mise en page du texte, l’idée était de rester sur quelque chose d’assez classique, avec une colonne de texte dans laquelle les images de notes s’insèrent pour pouvoir comprendre et visualiser davantage ce dont parle de texte. Le parti pris étant que ce soit une édition majoritairement en noir et blanc, seules les images des annexes sont en couleurs. Concernant les annexes, on peut voir un jeu d’alternance des images avec des pleines pages et des effets de zoom. De plus, les images ne sont pas les mêmes suivant la langue de lecture choisie. En ce qui concerne les petits détails intrinsèques à l’édition, les polices utilisées sont l’Inferi réalisée par Matthieu Salvaggio, pour ce qui est du texte de labeur, et en Pigiarniq réalisée par Tiro Typeworks en ce qui concerne les titres en langue Inuktitut (une des langues autochtones les plus parlées). Enfin, pour ce qui est de la reliure, le choix du fil bleu renvoie au livre de John Mclean Inventor of the Syllabic System of the Cree Language datant de 1890, qui est le seul livre relatant de l’histoire du syllabaire d’origine réalisé par le missionnaire James Evans. Dans mon mémoire on retrouve la logique chronologique dans laquelle j’ai entrepris mes recherches et mon travail d’écriture. Il à eu une grande influence puisqu’il a été la base de recherche de mon projet de diplôme. Grâce à l’ensemble de mes recherches, j’ai pu découvrir tout un pan de l’histoire et c’est précisément ce processus de recherche qui m’a permis d’identifier un manque. En effet, en essayant d’assembler les morceaux de l’histoire pour pouvoir comprendre comment était apparu ce système d’écriture, je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas d’ouvrage qui relatait de l’ensemble de l’histoire des syllabaires formant à ce jour le Syllabaire autochtone canadien. C’est donc par ce manque que mon projet de diplôme est né. À travers toutes les recherches que j’ai pu réaliser pour mon mémoire, j’ai pu découvrir que j’avais un grand attrait pour le domaine de la recherche, et en particulier dans le domaine typographique. C’est donc un domaine que j’aimerais inclure dans ma pratique graphique. J’envisage d’ailleurs de poursuivre mes recherches sur le Syllabaire autochtone canadien de manière beaucoup plus précise à l’avenir.

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