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memo! au MO.CO.ESBA

Le fruit d'une expérience unique

Laurie Paolin

ESAD Reims

2022

Mon sujet de mémoire porte sur les stickers de fruits… Le fait de s’intéresser à un objet qui fait tellement partie du quotidien qu’on ne le remarque plus. Le contraste entre ce que renvoie le sticker qui peut paraître anodin de par son échelle, son médium autocollant ludique, joyeux, « friendly » et le fait que ce soit un objet qui soulève néanmoins toutes les questions autour des réseaux de la mondialisation, de nos manières de consommer, et des principes de circulation des marchandises.  J’ai voulu réfléchir à comment pouvait être représenté un lieu. En plein cœur de la crise sanitaire de la covid-19, les déplacements entre territoires sont interdits et nous sommes voués à rester dans nos foyers. C’est alors que je me pose la question de comment un lieu peut-être retranscrit par un objet imprimé. La carte postale, les guides touristiques, les cartes routières sont des traces formelles qui pouvaient répondre à cette problématique. En parallèle, je suis en pleine lecture du livre d’Annie Ernaux, qui prend la forme d’un journal d’observations faites dans un supermarché, « Regarde les lumières mon amour ». Je me suis alors également mise à regarder attentivement les rayons des hypermarchés, mes seules sorties possibles à ce moment-là… C’est à cet instant précis qu’un objet particulier attire mon attention ce qui n’avait pas était le cas jusqu’alors. Le sticker de fruits est un morceau de papier au départ assez mystérieux, qui pour moi, représente bien cette idée de faire la publicité d’un pays tout en dessinant un principe de circulation, de voyage entre différents territoires. Je me suis ainsi intéressée à cet objet provenant de multi-cultures qui vient jusqu’à nous, plus particulièrement dans nos corbeilles de fruits.  J’ai examiné attentivement les stickers de fruits que j’ai récoltés dans les supermarchés, les marchés, les épiceries, magasins bio… Mes proches récoltaient également ces objets pour que je puisse avoir le plus large panel possible à étudier par la suite.  Ma recherche à tout d’abord été basé sur de nombreuses lectures (livres, essais, romans, articles de presse, retranscription de conférence…) Ensuite, en tant que designer graphique, j’ai voulu m’intéresser à ces objets destinés à être jetés en intégrant ma manière de travailler : a récolte. Cueillir les stickers de fruits afin de les décortiquer au mieux pour pouvoir regarder de près les objets que je suis en train d’étudier. J’analyse les nuances chromatiques, je répertorie les formes, je fais un inventaire des thématiques, des typographies récurrentes. De plus, j’ai appuyé mes propos au travers de mails que j’ai pu échanger avec des légufrulabélophiles (collectionneurs de stickers de fruits). Ces entretiens m’ont permis de rattacher ce sujet, qui de base évoque un objet publicitaire et commercial, à un contexte beaucoup plus personnel et intime.  Mon mémoire prend la forme d’une édition papier (15x23cm). Elle est composée de différentes annexes (ma collection de stickers de fruits qui ont été scannés, des planches de stickers qui peuvent être utilisés pour habiller la première et quatrième de couverture). Toutes les images présentes dans mon mémoire ont été imprimées, au même format, sur du papier stickers et collées à la main dans des cases réservées. Ma recherche à était scindées en trois parties. J’ai différencié graphiquement ces trois axes par le biais de « halo lumineux » bleu, jaune et vert. La partie entretien est imprimée sur du papier jaune. Enfin tous les renvois de notes sont mentionnés par des pastilles noires différentes, reprenant la forme de certains gabarits de stickers de fruits. Je me suis écartée du sujet des stickers de fruits pour mon DNSEP. Cependant, j’ai encore eu la volonté de travailler sur un objet enraciné dans notre quotidien. Un objet publicitaire, de promotion, mais aussi un objet aux fonctions de trace qui nous parle de ce lien au territoire comme le font les stickers de fruit : la carte postale. Même si le sujet est différent, la manière dont je travaille reste identique. J’ai étudié ce tout autre objet graphique, que plus ou moins tout le monde a eu un jour entre ses mains, sous plusieurs angles, en l’examinant, le décortiquant comme j’ai pu le faire avec les stickers de fruits. Je travaille à partir d’un ensemble, une collecte de 606 cartes. Je me pose la question de comment bousculer ces blocs, ces formes standards en les déplaçant dans d’autres registres de diffusion et grilles d’impression pour que l’on ait un tout autre rapport de ces éphémèras qui sont composés d’images et de mots que l’on a tous plus ou moins vécus/écrits.  L’écriture du mémoire m’a permis de poser des mots sur la manière dont j’aime travailler. J’ai pris conscience que j’avais besoin de m’inscrire dans une pratique de glanage, d’exploration, de tri, de classification, d’écriture, d’extraction avant même de mettre en forme. Actuellement, toute la dimension de recherche à une place primordiale dans ma pratique graphique. Je ne poursuis plus de travail de longue recherche comme j’ai pu le faire pour le mémoire. Cependant, je continue à collecter les stickers de fruits !

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