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memo! au MO.CO.ESBA

Hi kifik ça va ? Cohabitation des langues écrites, regard sur les scripts arabe et latin.

Solenne Madi

EESAB Rennes

2023

Ce mémoire analyse le multi-script arabe/latin. Ce champ du design graphique, consistant en la cohabitation d’alphabets différents encore peu explorée par les historiens et historiennes de la typographie, trouve ici un éclairage inédit à travers des entretiens, articles, et références bibliographiques. J’ai grandi dans une famille multiculturelle, le mélange des langues et en particularité le trilinguisme libanais m’a toujours fascinée. En grandissant j’ai commencé à observer ce phénomène de mélange linguistique de plus près, et notamment au moment où je me suis intéressée à la typographie. J’ai d’abord étudié les particularités de l’alphabet arabe, puis je me suis renseignée sur les origines et la modernisation typographique de cette écriture. Suite à ces recherches, j’avais envie de mettre en lien ce que j’avais appris sur l’histoire et l’évolution de l’écriture arabe avec le graphisme actuel. En particulier le multi-script foisonnant des rues de Beyrouth. Ainsi le sujet du multi-script s’est très vite imposé de lui-même. Connaissant l’histoire et l’évolution tardive de la typographie arabe, j’ai situé ma réflexion et donc mon corpus sur des objets graphiques ultra-contemporains, c’est-à-dire les 15 dernières années. Ce choix me permet de me concentrer sur les nouveautés graphiques et typographiques ainsi que de pouvoir échanger sur ces objets avec ceux qui les ont réalisés. J’ai aussi tenu à sélectionner des objets dans le champs culturel, dans la majorité des éditions imprimées qui se libèrent des contraintes de l’harmonisation par la ressemblance pour nous proposer un matchmaking nouveau. Je me suis vite rendue compte que je ne pouvais pas me fonder seulement sur des sources textuelles, le meilleur moyen que j’avais d’apporter du contenu pertinent était d’aller directement à la rencontre des acteurs de ce domaine. Sous forme d’interview, je voulais décortiquer leurs méthodes de travail, leurs projets et leur point de vue. Mon choix s’est porté sur des acteurs du champ graphique ayant différentes origines et travaillant dans différents endroits dans le monde. J’ai eu la chance par exemple de m’entretenir avec Nada Hesham, graphiste égyptienne au Caire, Ben Wittner, graphiste allemand à Berlin, Mourad et Arlette Boutros, deux typographes libanais travaillant à Londres, Walid Bouchouchi, graphiste algérien exerçant à Paris tout comme Montasser Drissi, graphiste d’origine marocaine travaillant à Paris et pour finir, Kristyan Sarkis, typographe libanais travaillant depuis les Pays Bas. Ce qui me permettait d’avoir un point de vue différent et de confronter leur avis sur une même question. Toute l’édition est pensée pour qu’un arabophone puisse avoir la même expérience de lecture qu’un francophone. L’édition se présente à double entrée, le français d’un côté, l’arabe de l’autre, la pagination se déroule dans chacune des langues et dans le sens de l’édition, ainsi la page 4 dans le sens français correspond à la page 105 en arabe. Chaque sommaire se réfère à la pagination de sa langue et la bibliographie est aussi présente en arabe. Mes recherches ont principalement tourné autour des entretiens qui viennent scinder l’édition en deux, ces derniers réalisés en anglais, parfois en français avec des notes d’arabe sont reflétés par le face à face des deux scripts dans cette partie précisément. Je considère le travail réalisé sur la forme graphique comme une réelle suite de mon mémoire, il était tout naturel de le traduire en arabe/libanais, j’écrivais sur le multi-script donc autant jouer le jeu à fond et faire une édition en multi-script. La répartition des textes me permettait de proposer deux façon de faire du multi-script, dans un premier temps séparer radicalement les deux scripts, et dans un second temps les confronter. Concernant les choix typographiques, je voulais que les caractères choisis soient opposés les uns aux autres, une forme de multi-script asymétrique par la typographie, c’est d’ailleurs mon entretien avec Montasser Drissi qui m’a donné envie de travailler dans ce sens. Mon mémoire m’a permis de me plonger dans le multi-script, et d’en découvrir ses forces et ses limites. Le peu de ressources, la complexité de son utilisation sur certains logiciels mais aussi son importance et son besoin de plus en plus présent m’ont donné envie de développer, dans le cadre de mon projet de diplôme, une plateforme qui a pour ambition de rassembler des sources visuelles et textuelles relatives au multi-script. Elle permettra de partager et de transmettre des savoirs multiculturels jusque là trop peu mis en lumière. Pendant que je travaillais sur l’édition de mon mémoire, de nombreuses interrogations se sont soulevées sur la pratique du multi-script, ça a d’ailleurs été un excellent exercice pour appliquer ce que j’avais appris de mes recherches. J’ai pris conscience de tous les détails techniques qu’une mise en page multi-script peut impliquer, de la pagination, aux caractères typographiques en passant par les problèmes de logiciels non adaptés à l’arabe. Dans mes projets actuels, je continue a concevoir et imaginer un multi-script efficace et harmonieux, en m’appuyant sur ce que mes recherches pour mon mémoire m’ont appris ainsi que sa réalisation. Mon projet de diplôme me pousse à continuer mes recherches dans le but de proposer une plateforme complète et à jour des références, des graphistes et typographes ainsi que des projets traitant du multi-script, un domaine qui, comme je l’explique dans mon mémoire, ne demande qu’à être exploré.

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