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memo! au MO.CO.ESBA

Faire local. Comment faire du graphisme ici ?

Alexandre d'Hubert

ESAD Valence

2022

Ce mémoire est une enquête sur ce que pourrait-être une identité graphique locale, construite par les signes et les matériaux que le lieu ou le territoire recherché contiendrait. Avant de faire mon master à Valence j’ai fait un service civique dans un tiers-lieu porté sur l’écologie et l’éducation populaire. Là-bas, je me suis beaucoup politisé sur plein de choses, notamment sur la nécessité de produire les choses localement, de développer d’autres outils, d’obtenir de l’autonomie par rapport à la production mondialisée et ses problèmes inhérents. C’est dans ce contexte que j’ai découvert le livre Couleurs végétales : teintures, pigments et encres, de Michel Garcia et que j’ai commencé à m’intéresser à produire mes propres encres. Aussi, j’ai réalisé dans ce lieu plusieurs panneaux de signalétique à partir de planches découpées et de peintures de récup. D’où le début de mon intérêt pour la peinture en lettres et les signes vernaculaires. J’ai cherché et analysé divers projets graphiques et artistiques qui s’implantaient spécifiquement dans des lieux précis. Certains de ces projets m’ont été recommandés par mes enseignants, j’en ai découvert d’autres en lisant d’autres mémoires disponibles à la doc de l’ESAD Valence. En me renseignant sur les pratiques liées aux encres, à la teinture, etc. sur Instagram j’ai découvert également beaucoup de chouettes choses. Plein de lectures aussi, bien entendu. Des choses liées au graphisme ou l’art, mais aussi des textes historiques, scientifiques, économiques, politiques sur les ressources colorantes, la production de signes dans l’espace public, l’urbanisme, la mondialisation... Ma pratique a été de faire des commentaires sur chaque textes lus ou projets analysés. C’était d’abord pour moi un exercice d’écriture en vue du mémoire, pour me sentir plus à l’aise à l’écrit pour déployer ma pensée et aussi pour garder des notes de ce qui m’intéressait dans tel ou tel projet. Au final tous ces textes ont constitués la majorité de mon mémoire. La suite de mon travail a été de relier toutes ces bribes de pensées pour expliciter mon propos, le lien que je voyais entre tous ces sujets différents. De ce fait, mon mémoire ressemble un peu à une enquête. Mon mémoire a pris la forme d’un livre. C’est ce qui me paraissait le plus adapté par rapport à mon sujet. Je devais trouver un moyen d’impliquer des éléments issus du territoire de la Drôme où je travaillais pour créer du sens par rapport à mon sujet. C’est pourquoi j’ai utilisé un papier recyclé créé par Système sensible, studio de graphisme et d’impression basé à Eurre, en Drôme, pour la couverture et plusieurs inserts. J’ai sérigraphié ces papiers avec une encre que j’ai faite avec comme pigment un sable orange que j’ai trouvé dans la vallée du Royans, à 30 min de Valence. Niveau typo, j’ai utilisé la Chaumont d’Alexandre Bassi ainsi que la Pasquale d’Alessandro Latela et Gianluca Ciancaglini. Ces deux fontes sont des interprétations typographiques du travail de peintres en lettres qui ont laissés leur empreinte dans leurs villes respectives (Chaumont pour Chantal Jacquet et Naples pour Pasquale de Stefano). À mon diplôme, pour sortir de l’abstraction et la théorie j’ai voulu faire un travail de commande en utilisant les encres et peintures que je produis. J’ai réalisé des panneaux sérigraphiés pour promouvoir les actions d’une association Drômoise. Les encres ont été fabriquées à partir de terres colorées que j’ai trouvé à Dieulefit, lieu de résidence et d’action de cette association, pour mener la pratique localisée « à fond ». C’était une chouette expérience mais si je compte le temps que j’ai pris à rechercher, à récolter et à transformer ces terres, plus l’impression et le design, je suis à mille lieux de la rentabilité ou alors je serais dans le luxe. Au moins, ça m’a permis de me rendre compte de la chose, même si je m’en doutais forcément. La rédaction de mon mémoire, avec le recul que j’ai maintenant, m’a permis de voir plus clair, d’être plus critique sur la place du designer dans les enjeux écologiques. Le concept d’une identité locale graphique est idéaliste car elle se base forcément sur les considérations subjectives du designer. Actuellement, je cherche un moyen de pousser ma pratique de création d’encre à un niveau semi-industriel et de travailler avec d’autres gens. Parce que je trouve cette recherche pertinente mais qu’actuellement, les personnes qui vivent de ce genre de pratiques sont dépendantes du format atelier et des résidences artistiques, car forcément pas rentables pour de la commande. J’aimerais dépasser ça et proposer un service d’impression et de vente d’encre qui soit viable et inscrite dans une économie locale. En attendant je suis au RSA lol. Je poursuis tout doucement ma recherche sur les encres, en attendant de trouver les opportunités rémunérées de travailler dessus.

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