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memo! au MO.CO.ESBA

Entre réalité et esthétique : quand les sciences représentent l’invisible

Gaëtan Thirion

ENSBA Lyon

2021

On a pu décrire le XVIe et le XVIIe siècles comme le moment d’une éclosion de la philosophie naturelle et de l’observation des phénomènes de la nature. Mais, de façon inattendue, rendre compte de ces phénomènes à un lectorat habité par la libido sciendi a ouvert à une forme d’inventivité visuelle qui pourrait aujourd’hui faire du scientifique un artiste. La réciproque a aussi existé. De nos jours encore, la question de la représentation est centrale à tout exposé scientifique, surtout s’il vise la vulgarisation. Sur cette ligne de temps assez large, quelles formes ont pu être convoquées pour dire l’invisible de l’infiniment grand ou de l’infiniment petit ? La fabrication et la circulation de ces représentations inventives ou inventées questionne un discours de la représentation fait de rêveries lucides avec lesquelles le scientifique dépeint, et le peintre « scientifise ». Ayant déjà un attrait particulier pour les représentations graphiques et photographiques de l’espace, il était évident pour moi que le sujet de mon mémoire serait lié, de près ou de loin, à ce sujet. J’ai pu observer des objets variés : Œuvres d’art, livres de sciences, photographies (Numérique et analogiques), graphiques, dessins etc. De nombreux ouvrages sur lesquels je m’appuie dans ce mémoire sont issus de scans que j’ai pu trouver sur Public Domain Review étant donné que ce sont des vieux ouvrages : De Historia Stirpium de Leonhart Fuchs illustré par Albrecht Meyer ; Micrographia de Robert Hooke ; le livre The splash of a drop d’Arthur M. Worthington. Mais aussi certains dessins/photographies : La première représentation d’un trou noir réalisée par Jean Pierre Luminet à l’encre de chine ; La première image en prise directe du trou noir M87* réalisée par l’Event Horizon Telescope. La recherche s’est beaucoup orientée vers la collecte d’objets d’étude afin d’avoir une vision plus claire de l’évolution des techniques de représentation à travers les âges. Parallèlement à l’écriture du mémoire je pratiquais également la photographie de formation des nuages pour mon projet de diplôme. Cette pratique m’a beaucoup permis de mieux cerner ce qui définis une image scientifique et ainsi saisir la tension qui opère entre la recherche de l’esthétique et la représentation du réel lorsqu’on veut produire une « belle image scientifique ». Le mémoire prend la forme d’un ouvrage de 97 pages au format 210x285mm. Il a été entièrement imprimé en numérique et se compose en deux parties : une première qui comprend le texte et une seconde qui comprend son iconographie en monochrome vert foncé. Le processus de recherche ne s’est pas réellement traduit dans la conception du mémoire. Au départ, j’avais une collection d’objets très riche, et il aurait été tentant d’en garder l’intégralité dans le but de créer un très gros atlas d’images. Mais, pour simplifier le travail d’écriture et rendre mon cheminement plus clair, il était indispensable de faire une sélection restreinte des objets d’étude sur lesquels j’allais m’appuyer. J’ai donc préféré présenter peu d’objets, mais d’entrer plus profondément dans l’analyse de ceux-ci. En revanche mon sujet s’est évidemment traduit dans la conception graphique de mon mémoire ! Lors de sa conception je me suis appuyé sur le format de l’Encyclopediae Universalis maquetté par Pierre Faucheux dans les années 90. La mise en page quant à elle reprend les codes de l’encyclopédie, c’est pour cela que le texte tient sur deux colonnes et que l’iconographie est directement insérée en petit dans le texte puisque le lien entre les deux doit être direct. Mon projet de diplôme a pris forme en parallèle du mémoire. Après avoir découvert l’ouvrage The Movement of Clouds around Mount Fuji édité chez Spector Books, j’observais et photographiais la formation des nuages. J’ai alors découvert l’existence de l’International Cloud Atlas, un site internet qui tente de répertorier toutes les espèces de nuages selon leur forme, altitude, température etc... Mon diplôme s’est donc orienté vers la refonte du site actuel ainsi que la fabrication d’un outil interactif et pédagogique pour comprendre ce qui influe sur la forme et la création des nuage. Avec du recul, ce mémoire n’a pas vraiment eu d’impact sur ma pratique du design graphique aujourd’hui. En revanche, il continue de m’accompagner dans ma façon d’écrire et d’analyser des objets d’études auxquels je suis confronté. Aujourd’hui je poursuis un travail de recherche sur les caractères typographiques de la signalétique routière Michelin produite entre 1920 et 1970. C’est un sujet bien différent de mon mémoire, mais c’est aussi un travail que j’avais entamé pendant mon DNSEP à l’École des Beaux Arts de Lyon.

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